mercredi 16 mars 2011

IN THIS A SPIRITUAL GARIFUNA'S FEVER!


Il est agréable d'apprendre à connaître un territoire dont nous ne savons que très peu de choses en pénétrant à l'intérieur de ses frontières. Ainsi se façonnent peu à peu les souvenirs et les opinions concernant un pays quel qu'il soit, qui, à leur tour, transforment l'être et sa connaissance du monde en général.

Enclavé au milieu de ses voisins hispanophones, le Belize, anciennement appelé Honduras britannique, est une ancienne colonie anglaise devenue indépendante en 1981. Tout petit pays de 320000 habitants, sa culture n'en est pas moins riche à bien des égards. Il fait bon vivre sous les tropiques!

L'organisation de l'espace tout d'abord diffère nettement de celle du Mexique. Dans les campagnes, aucun grillage ni clôture ne délimitent les terrains des propriétés, largement espacées les unes des autres et peintes de couleurs chatoyantes, allant du rouge vif au bleu pastel. Celles-ci, faites de bois, sont construites sur pilotis, souvent agrémentées de petites niches aux formes diverses et d'une large terrasse en hauteur.


Les trois-quarts du territoire sont composés de forêt tropicale abritant jaguars, tapirs et perroquets, sans oublier de petits tatous à la carapace striée dont l'un d'entre eux traversera la route alors que nous approchions des montagnes mayas. L'enchevêtrement d'arbres immenses et de lianes laisse parfois place à de larges orangeraies et autres champs de canne à sucre. Parmi ces arbres se trouve le sapotillier dont la sève donne le chicle qui entrait dans la fabrication du chewing-gum mais qui depuis a été remplacé par des composants synthétiques.


De façon aléatoire, nous rejoignons les villes bordant les Caraïbes comme Corozal, Dangriga ou Punta Gorda à l'extrême sud du pays. Le basket-ball se pratique beaucoup ici, ce qui a pour mérite d'attenter à l'hégémonie footballistique universelle (grief personnel!).

Ainsi sommes-nous naturellement amenés à nos premiers balbutiements de patois créoles, langue dérivée de l'anglais inventée par les esclaves noirs déportés ici au dix-septième siècle par les pirates britanniques et destinée à échapper à l'entendement de ces derniers. A l'époque, les petites îles tranquilles protégées de la houle par la barrière de corail favorisaient la présence en nombre de ces pirates, anglais et français.
Ce patois ressemble fortement à celui parlé en Jamaïque, connu de certains par l'écoute incessante de morceaux reggae et dont les expressions sont par exemple « What a gwaan = what's going on = quoi de neuf? » ou encore « bwoy » ou « gal » qui veut dire « garçon » ou « fille ».

Un autre peuple, présent sur toute la côte caribéenne du Belize au Nicaragua, participe à cet étonnant mélange ethnique, les Garifunas, descendants des esclaves noirs africains. Raison pour laquelle l'Afrique ici se fait tant sentir. Leur langue est un mélange d'anglais, de français et de dialectes africains comme le bambara au Mali. Du coup, la musique est très présente et la communication facile de par la proximité vis-à-vis de son prochain, typiquement africaine. Les Chinois tenant la majeure partie des épiceries, les Mayas et les Hispanos-Mayas viennent compléter cette mosaïque de cultures fascinante de même que les Mennonites, descendants d'émigrés chrétiens allemand et hollandais des années cinquante. Menant une vie relativement austère, ils se désignent eux-mêmes comme « les calmes à la campagne ». Pacifistes et bons agriculteurs, ils ne veulent pas que l'état s'immisce dans leurs communautés et fournissent une bonne partie des denrées alimentaires au Belize.


DES ÎLES ET DES Z'AILES...*

Nous passons une bonne semaine à Placencia où la moitié de la ville se situe à-même la plage. On s'y déplace principalement à pied et en vélo. De nombreux américains investissent les lieux ce qui entraine une hausse énorme des prix de l'immobilier et le développement d'un tourisme parfois pas vraiment « favorable » dirais-je. Nous rencontrons Brannon qui embarque avec nous dans le bus pour quelques jours. Ainsi notre chambre vacante est occupée et il nous fait découvrir des endroits comme Blue Creek, une rivière limpide naissant à l'intérieur d'une immense grotte entourée de jungle. Cela lui permet de prendre quelques vacances tranquilles après avoir terminé la construction de sa petite maison à Placencia.

De là, nous décidons d'aller faire un tour sur Cay caulker, petite île paradisiaque au large de Belize City. Les rastas ont envahit l'endroit en force et encore une fois, il y fait bon vivre. On dégotte une chambre chez Greg, personnage touchant venu refaire un bout de sa vie ici en ouvrant un petit hôtel-restaurant sympathique comme tout.

 Toute proche, la deuxième plus grande barrière de corail au monde marque la limite entre l'océan et le lagon. L'eau est cristalline, se parant des plus belles nuances turquoises. Ici, la vie aquatique est effarante. Nous plongeons avec de gracieuses raies-aigles à la queue immense et de nombreux barracudas. Les jardins de coraux abritent des poissons-anges, poissons-perroquets, marignans et poissons-chirurgiens qui détalent devant nous faisant osciller leurs bandes bleues. Plus loin, les raies-pastenagues abondent par dizaines. Leur contact gluant contraste avec celui plus rugueux d'un autre habitant des lieux : le requin nourrice! De la lancha (barque à moteur locale), nous les observons passer sous la coque langoureusement.
 
 Difficile de se retenir d'aller à l'eau, les sachant inoffensifs. Une dizaine de ces requins de corail nous entoure, nous effleurant de leur longue queue. Je me poserai tout de même quelques questions lorsqu'il me faudra en repousser un vigoureusement, alors que ses 80 kilos apportaient un intérêt tout particulier à ma frêle carcasse!
Il est de ces moments qui n'appartiennent plus au temps mais se diluent dans l'épais sillage de notre mémoire...




 EL JUEGO DEL TITIRITERO


Ce quinze février et après trois semaines passées au Belize, nous arrivons à la frontière Guatémaltèque. Les pénibles formalités sont de rigueur comme celle nécessitant de faire quatre kilomètres aller-retour pour un peu d'argent (puisqu'ils n'acceptaient pas les dollars béliziens) et une simple photocopie.

Le même jour, nous atteignons El Remate, dans la région du Petén, bordant le fleuve Petén Itza. On y rejoint Dim et Nat, des potes francophones rencontrés à Palenque auparavant, qui nous avaient conviés chez eux. Après l'acquisition d'un terrain, ceux-ci sont en train de construire une petite guest-house de toute beauté. Une palapa (hutte traditionnelle sur pilotis surmontée d'un toit de feuilles) trônait déjà fièrement et les murs de la future douche s'élevaient quotidiennement. Tout cela à la lisière d'un riche écosystème qui par exemple, permettait le soir de faire sortir de sa cachette une impressionnante mygale. De nombreuses amitiés se tissent ici comme celle avec la famille d'Alex et Sara, marionnettiste et roulotiers accompagnés de Yaël et de la petite Sohane. Nous passons nos journées sur le ponton en bois surmonté d'une palapa à se baigner, se promener dans la jungle et profiter de ces nouvelles rencontres. Bien sûr, nous ne nous posons pas la question de savoir s'il y aura du soleil puisqu'il y en a tout le temps...

 Dans cette région, la jungle s'étire sur des centaines de kilomètres et abrite de nombreuses ruines mayas. Celles de Yaxhà et de Nakum possèdent cet avantage d'être très peu fréquentées et situées en plein cœur de la jungle. Les pyramides s'extirpent de l'épaisse végétation au milieu des cris abyssins des singes-hurleurs. A l'aube, l'air saturé d'humidité fait ruisseler les arbres à grosses gouttes. Petit conseil : se méfier des singes-araignées lorsqu'ils sont en colère car ils n'hésiteront pas à vous uriner dessus le cas échéant. Petite anecdote : une nuit, alors que Plume observait les deux yeux jaunes d'un crocodile se déplacer à la surface du lac, un léger bruissement d'eau se fit entendre tout proche. A l'aide d'une lampe, elle éclaira rapidement dans cette direction et surprise! C'était tout simplement Wasaï qui se rafraichissait paisiblement dans l'eau fraîche sans avoir vraiment conscience de quoi que ce soit... WASAÏ, VIENS ICI TOUT DE SUITE!!

Après d'agréables étapes au bord de bassins calcaires et de cascades d'eau chaude, les routes se compliquent peu après El Estor pour se transformer en de douloureuses pistes. Le bus cahote dans tous les sens et un double-vitrage éclate. La route, l'une des plus belles du Guatemala, serpente à travers le massif des Cuchumatanes. Parmi les quelques treize millions d'habitants, cinquante pour cent sont des indiens d'ethnies variées comme les huipiles rouges au costume traditionnel flamboyant. A partir de 1954, les États-Unis soutiennent la mise en place de dictatures militaires de droite et à partir des années 80, un véritable génocide dirigé contre ces autochtones indiens et perpétré par l'armée et les milices civiles apparaît, sous-couvert de pacification et d'anticommunisme. Au total, la guerre civile, de 1960 à 1996 fera plus de 200000 victimes.

 A Huehuetenango, nous décidons de précipiter un peu le mouvement pour rejoindre la famille d'Alex et sara, après plusieurs rendez-vous manqués. Les hauts plateaux se succèdent au milieu des champs de maïs qui, d'après le Popol Vuh, le récit de la création Maya, est à l'origine de l'être humain. A solola, les rues plus étroites les unes que les autres ont raison d'un de nos rétroviseurs. Je me surprends parfois à rêver d'un voyage en twingo!

Enfin, le lac d'Atitlan se découvre, entouré de trois volcans qui culminent tous à plus de trois mille mètres. C'est splendide! A Panajachel,au bord du lac, on retrouve les copains et flânons dans les rues pavées à la recherche d'un peu d'artisanat. Puis on décide de faire le tour du lac jusqu'à San Pedro en gravissant des pistes ensablées à faire cramer un embrayage à fond de première! Le village est paisible et nos âmes s'abandonnent...