lundi 24 janvier 2011

Entre tierra y mar...*

Sur la route reliant Palenque à San Cristobal De Las Casas, nous prenons en stop une petite troupe de voyageurs mexicains provenant pour la plupart de Ciudad Juarez dans le nord du Mexique. Ils sillonnent le pays afin de dénoncer, à travers leur groupe de hip-hop «batallones femeninos», les meurtres et multiples exactions commis par l'armée mexicaine envers la population et ce en toute impunité, près de la frontière américaine.

A San Cristobal, perchée à plus de deux milles mètres d'altitude, nous découvrons ensemble un dédale de petites ruelles pavées bordées de maisons multicolores. Nous séjournons dans cette ville coloniale entourée de forêts de pins pendant plus de dix jours, occuper à flâner dans le marché d'artisanat autour de l'église santo domingo ou encore à paresser dans les parcs et autres centres culturels.

  Ces derniers nous permettent d'en apprendre davantage sur le mouvement zapatiste. En effet, le premier janvier 1994, l' EZLN (armée zapatiste de libération nationale) occupe la ville de San Cristobal ainsi que plusieurs autres au Chiapas.
Et cela le jour de l'entrée en vigueur de l'Alena, l'accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, soulignant ainsi leur rejet du néolibéralisme. Les guerilleros, menés par le sous-commandant Marcos (issu de l'une des familles les plus riches du pays), luttent contre l'armée mexicaine, pilier de la dictature, afin d'améliorer les conditions de vie des indiens. Affirmant leur souhait de ne plus utiliser leurs armes après le soulèvement, les héritiers de Zapata, leader paysan de la révolution mexicaine, mettent en place au Chiapas 38 municipalités autonomes, indépendantes du gouvernement. Basées sur l'autogestion, celles-ci sont regroupées dans cinq caracols, lieux où siègent les instances de bon gouvernement, qui créent des écoles ou des services de santé gratuits auxquels les indiens n'ont jamais eu accès.

La ville est donc imprégnée de son histoire où l'on peut y découvrir à chaque coin de rue des slogans tels que «ser joven y no ser revolucionario es una contradiccion hasta biologica» ou «en cada beso una revolucion» pour les moins virulents!
 Les indiens, en majorité Tzotziles et Tzeltals, se bousculent au marché alimentaire au milieu des étalages d'épices, de piments, de fruits et légumes. Là-bas, les odeurs vous montent à la tête en enjambant un pauvre dindon ligoté ou en déambulant devant les échoppes de viande saturées de mouche. De nombreuses plantes médicinales sont disponibles, largement utilisées en médecine Maya. Ces derniers ont d'ailleurs le choix car sur les trois cent mille espèces végétales existant dans le monde, trente mille sont présentes au Mexique et quinze mille rien qu'au Chiapas.

 C'est finalement sur ces hauts plateaux que nous quittons Gaël et Julie qui se dirigent vers l'état de Oaxaca avant de retourner en France tandis que nous prenons la direction du nord pour la péninsule du Yucatan. Bonne route, compagnons d'un jour...*

Ainsi, nous poursuivons notre chemin sur des routes montagneuses à travers la forêt tropicale humide, faisant quelques haltes près d'un pont suspendu ou dans des villages insoupçonnés tels que Pueblo Nuevo, au milieu desquels la viande fume sur les étalages et les grains de café sèchent au soleil dans la rue. Les cavaliers trottent ou galopent en montant à cru sur l'asphalte, faisant claquer les sabots et les rickshaws foncent à travers les venelles défoncées.Nous surplombons le canyon du Sumidero et bientôt quittons la jungle pour rejoindre le Golfe du Mexique où les flammes des gisements de pétrole des usines pétro-chimiques du géant Pemex éclairent l'horizon tout en monopolisant la côte. On en profite pour s'embourber pour la première fois durant ce voyage, près d'une plage. Le camion de distribution d'eau potable déniché à la sortie du village nous tracte violemment mais heureusement sans casse.

On ne s'attarde guère dans les villes coloniales de Campeche et Merida, impatients que nous sommes de découvrir les Caraïbes. Chichen Itza se trouve être un site maya remarquable et très vaste mais cependant bondé de touristes; cela nous permet au moins de squatter la piscine d'un hôtel de luxe à l'intérieur du site en toute tranquilité! La pyramide en son centre est impressionnante ainsi que ses sculptures de Quetzacoatl, le serpent à plumes, divinité Toltèque à l'origine.
La fameuse Cancun ne nous séduit guère de par ses plages inaccessibles sans passer par de gigantesques hôtels , raison pour laquelle nous allons voir ailleurs...
                                                        A une centaine de kilomètres au sud, nous atteignons Tulum et dépassons la zone où les hôtels et cabanas construits le long de la plage offrent un certain charme du fait de leur architecture et de la conservation du littoral sur lequel ils sont implantés. Nous trouvons enfin notre petit coin de paradis dans la réserve de biosphère du Sian Ka'an : plage abandonnée, le bus est sous les cocotiers et la mer d'un bleu étourdissant est à la même température que l'air... Les journées s'égrènent, nous sortons une enceinte pour bricoler des étagères et peindre en musique, installons le hamac et la vie nous joue ses plus belles notes...*
Wasaï a remplacé sa balle par des noix de cocos et masques et tubas sont de rigueur pour explorer les fonds marins qui regorgent de vie.

Quelques jours plus tard, nous décidons, après avoir bénéficié d'un prix attractif auprès de chers compatriotes, d'aller plonger dans un cenote, formation géologique unique au monde. Ce sont en fait des sortes de puits aux ramifications souterraines permettant d'évoluer dans une eau cristalline.

Au cenote dos ojos, la visibilité était de plus de cent mètres! Le spectacle est impressionnant lorsque l'on découvre les innombrables stalactites et stalagmites immergés, formant de temps à autre de véritables colonnes quand ils se rejoignent. Mis bout à bout, le réseau de grottes mesurerait plus de cinquante trois kilomètres. Nous évoluons, équipés de lampes, dans ce dédale de couloirs rocheux débouchant sur d'immenses cavernes abritant quelques chauves-souris. Les passages sont parfois très étroits et nos tubas raclent la roche. Nous sortirons de ce labyrinthe émerveillés...

Le lendemain, nous allons nous poser à Akumal où, nous dit-on, la barrière de corail est très proche de la plage. La rumeur se confirme : ici, la visibilité est excellente et nous voilà en train de nager avec d'immenses tortues marines! La magie afflue lorsque celles-ci remontent respirer à la surface. En les accompagnant, on peut savoir exactement à quel moment elles vont sortir la tête de l'eau et donc les devancer d'un court instant pour profiter du spectacle, avant qu'elles ne replongent pour aller se nourrir d'algues. Sur certaines d'entre elles, des poissons pilotes se greffent à leur imposante carapace.

 La vie foisonne sur la barrière de corail : des dizaines de créatures multicolores évoluent dans ce royaume sous-marin, des poissons-clowns aux poissons-lions possédant des nageoires vénéneuses en passant par les poissons-coffres qui ne se gonflent et ne se hérissent pas d'épines si facilement que je le pensais.
Plus loin, un gros barracuda végète sous la coque d'un bateau, lorgnant Plume de ses gros yeux et lui tournant autour nerveusement lorsque celle-ci s'en approche un peu trop. Des bancs de poissons bleu fluorescents nous passent devant nonchalamment alors qu'un peu plus tard, une raie aigle stupéfiante à points blancs nous dépasse majestueusement. La longueur de sa queue est hallucinante et disproportionnée par rapport au reste de son corps : aux alentours de deux mètres (environ quoi...)!
 
 Plus tard, la lagune de Yal-Ku est d'une beauté similaire avec ses eaux bleu turquoise. On se retrouve nez à nez avec d'étranges poissons pas farouches pour un sou et aussi intrigués que nous de faire face à de telles créatures. L'entrée est payante, donc évidemment nous passons par la mer pour y accéder, ce qui nous permet de croiser quelques seiches et autres pélicans absolument pas effrayés par notre présence, faisant partie de leur même monde marin...
Après être retournés sur notre plage de Sian Ka'an et avoir exploré la lagune, nous rejoignons Chetumal en profitant d'une courte escale à Mahahual pour une plongée agréable sur le récif. Malheureusement, celui-ci a subi les ravages de l'ouragan Dean en 2007 ainsi que la ville, qui en fut l'épicentre, et les dégâts sont considérables.

Voilà, après environ 23000 kilomètres et presque cinq mois de voyage, nous voici aux portes du Belize et de l'Amérique centrale. Le voyage suit son cours...*